Chasseresse des rues

Chasseresse des rues

 

J'aime les rues. Etre admirée. Que de regards envieux ! Je le mérite : je suis canon ! Ce que j'apprécie ?.. ce choix illimité. Toute la gent masculine est soumise à mon doigt, à mon oeil, prête à souiller le contrat de mariage. Un signe de l'index, une oeillade et ces messieurs costumés et cravatés, prétendument si sérieux,  m'emmènent n'importe où pour n'importe quoi. Tout lieu leur est propice : la chambre d'hôtel, l'arrière de la voiture, les toilettes du restaurant, une porte cochère. Ils ont tous les vices : l'exhibitionnisme sportif, la tendresse lubrique, la culpabilité violente, l'impuissance masochiste. Les plus émouvants sont ceux qui reluquent en cachette. Les refoulés, le désir inavoué, l'escargot en détresse. Plongés dans une vitrine, cachés par un journal, leurs yeux s'exorbitent vers moi. Je suis leur rêve. Qu'ont-ils au foyer ?.. une épouse aux charmes épuisés, fanée sans doute, acariâtre peut-être. Ou bien personne d'autre que le triste lavabo avec la petite glace au-dessus dans laquelle ils contemplent leur solitude. Quand je leur adresse un sourire, ils s'éloignent, reviennent sur leurs pas, arpentent le trottoir. Eperdus, sous-s'estimant, ils n'osent pas : je suis juste un peu trop. Parfois, insensés, hasardeux, honteux, ils se présentent à moi comme à l'autel de Vénus. "Où va-t-on ?" bégaient-ils. "Pour quoi faire ?" dis-je, hautaine... ils transpirent. Leur faible chair s'abandonne à la déesse inespérée. Moi, j'aime.

 

Celui-là avait la trentaine du cadre moyen. Il n'habitait pas loin. "Impossible d'aller chez vous ? Votre femme ? Elle est chez vous ?"... "Non, au boulot"... "Alors, on y va !". Il a servi des whisky-coca. La chaleur estivale était étouffante. Dans la chambre en désordre, des sous-vêtements de dentelle rose traînaient par terre, ceux que l'épouse portait la veille, sans doute. On s'est allongés tout nus sur le lit défait. Chauffée par l'alcool, la peau brûlante, je transpirais. L'homme était fébrile et bandait mou. N'importe : je ne prétexte pas de ma beauté pour exiger la perfection. J'aime réveiller le cochon qui sommeille. Par jeu, j'ai enfilé les sous-vêtements de la pauvre épouse. Alors que je passais la culotte, le cochon s'est réveillé : il a fourré son groin entre mes cuisses, m'a reniflée avec bruit et sucée en grognant. C'était dingue. L'excitation bestiale, l'âcreté de la sueur et cette lingerie portée : j'ai joui, profondément joui. Je n'espérais pas un tel orgasme de ce type. On dégoulinait de sueur, de salive, de toutes nos sécrétions. Puis on a parlé. Sa femme qu'il ne baise plus. Sa misère sexuelle. Ses fantasmes. Son truc : que j'urine sur lui, que je le masturbe devant sa femme. Rien que des conneries. Les hommes, ce sont des fusils à un coup. Après, ce n'est que bizarreries.

 

Je préfère changer souvent. Pourtant, j'avais débuté fidèle, avec un petit ami. Nous couchions gentiment, amoureux fous. Quand un soir, son grand frère m'a coincée dans le garage. Je ne sais de quelles grossièretés il m'a étourdie. "J'ai bandé pour toi la journée", etc. Il s'est déboutonné sans pudeur. Je ne connaissais pas ce désir débridé. J'étais émue. Il m'a prise debout, à la hussarde. Je venais de découvrir ma capacité de séduction. Plus tard, au boulot, je déboussolais tous les hommes. Il suffisait d'un signe de l'index, d'une oeillade... combien m'en suis-je envoyés les jambes en l'air, sur le bureau ? J'aurais pu mal tourner, mais j'ai toujours fait "ça" uniquement pour le plaisir. On m'a proposé de la tune : c'était méprise ! Je n'ai fauté qu'une fois, à mon regret. Gênée pour le loyer, je me suis compromise avec le propriétaire, insensible, exigeant. Je l'ai masturbé jusqu'à la crampe. Il s'est continué seul puis j'ai dû le reprendre, longtemps... il en a bien profité. Je passe les détails, c'est du sordide. Bien sûr, la rue est cruelle aussi. On m'y a souvent traitée de "pute". Les apparences sont contre moi, j'avoue. Un jour, j'ai été prise dans une rafle. Au poste, un type m'a tenue par les bras, un autre m'a fouillée, une fouille intime : c'est à dire un pelotage en règle, devant, derrière. Je n'avais rien mais ils m'ont menacée de poursuites. J'ai sucé le premier. Le second m'a prise en levrette. Ils m'ont remise à la rue. Dégueulasse, non ?

 

Quand on est blanche et canon, le plus insistant, c'est le regard des Noirs. J'ai cédé à ce fantasme de midinette. Je suis allée avec des Noirs au fond d'impasses glauques. J'ai vu des sexes incroyables. Certains si gros qu'ils étaient impossibles à mettre dans la bouche. C'est incrédule que je voyais ces énormes engins me pénétrer le bas-ventre. J'espérais des jouissances extrêmes. Je redoutais des souffrances atroces. J'ai surtout vécu de bons plans sexe. Quand il pleut, il y a les rayons de lingerie des grands magasins, les halls de gare, les sexshops. Je me souviens d'un jeune homme rencontré dans une échoppe pornographique de la rue de la Gaîté. Il était mignon, il m'a plu, je l'ai suivi jusque chez lui. Sur la moquette, des revues cochonnes. Aux murs, des affiches de femmes nues. Il y en avait pour tous les goûts : la fausse collégienne asiatique sans culotte, la vraie blonde qui exhibe ses organes comme au gynéco, l'Africaine indomptée aux seins pointus... Laquelle préférait-il ? Flairant l'amatrice, il m'a montré une page de magazine toute maculée. C'était une blonde en bottillons, affublée d'un martinet, qui offrait sa croupe. Sa photo fétiche ! Il se branlait sur elle plusieurs fois par jour. Décidément, il était mignon. Des traits fins, une sorte d'angélisme, un obsédé sexuel qui serait touchant. Moi, je souhaitais le voir faire comme il disait, avec la photo, tout simplement. Mais les grands garçons timides sont les plus pervers. Dans son armoire, il y avait les bottillons et le martinet de l'image ! Vous devinez la suite : prise au jeu, je me suis travestie selon son fantasme. Il était mince, très blanc, avec un gros sexe planté dans une touffe hirsute de poils roux. Je lui ai présenté ma croupe. Il s'est touché. Un violent coup de martinet l'en a dissuadé. Ne savait-il pas que c'est mal ?. Un deuxième coup a zébré ses longues cuisses grêles. A chaque volée, son pénis gonflait, se violaçait, pris de soubresauts. Il a joui à la dixième raclée, je crois. A même le sol, de grandes giclées. En pleurs, il m'a remercié. Il était comblé. Fier aussi. Fier de tout ce sperme répandu en une grande flaque. Il disait "Vous avez vu ça ?" comme il aurait dit "Alors, heureuse ?". En fait, j'étais heureuse.


Et ce type éperdu parce que sa femme le trompe ! Je suis cocu, dit-il. Elle se fait baiser par un autre, à ma place, moi le mari. Pourquoi ? Regardez, j'en ai une grosse, pourtant. On est dans sa voiture. Il extirpe de sa braguette un sexe épais, comme musclé. Je sais ce qu'il lui fait, le salaud. Regardez. Il la tripote comme ça. Et le type me pelote les seins, les fesses. Qui l'excite ? Sa femme, moi ? Avec qui suis-je, le mari, l'amant ? En attendant, je me laissez faire. Elle est comme vous, la salope, elle se laisse faire, elle aime ça ! Elle mouille ! L'homme s'échauffe. Il baisse ma culotte. Passe le doigt sur ma chatte. Voyez, vous mouillez ! Je suis sûr qu'elle le suce ! Vous en avez envie, n'est-ce pas ? Je lui lèche le gland. J'imagine sa femme avec son amant. Elle aime le pomper. Je redouble d'ardeur. J'entends le mari-amant qui gémit de plaisir. Le salaud, il veut la tringler maintenant, lui emplir le ventre de sperme. Elle hésite mais c'est une vicieuse. C'est bien vrai ! J'enfile le type à califourchon sur le siège. J'essore dans mon vagin la queue de cet inconnu. Le salaud, il se vide les couilles dans ma femme. Elle jouit de sa bite, la pute ! Je crie, je jouis. Un détail : je ne suis pas pute. Un autre : il est célibataire. L'amour est compliqué, au fil du ruisseau.

 

 

Eve Blonde

 

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