Les hommes espèrent toujours

Les hommes espèrent toujours

 

J'aime traîner dans ce quartier portuaire du Suriname. C'est un quartier où les hommes traînent. Les hommes espèrent toujours la bonne occase. Ils furètent, épient, reniflent. Certains soirs, il y a de quoi faire : créoles, chinoises, brésiliennes... C'est le carnaval des langueurs moites, Babylone sur équateur. Moi, je traîne dans le quartier avec ma femme. Ce soir, il fait chaud comme tous les soirs. Le ventilateur couine au plafond du vieux bar. On s'est mis sur un coin tranquille de banquette, Yasmine et moi. C'est un endroit propice.

 

Il faut vous dire que Yasmine n'est plus toute jeune. Elle a 49 ans. Mais pour être franc, c'est peut-être moi le problème, moi qui suis plus âgé, moi que le soleil flambe dans le rhum comme une banane-dessert. Toujours est-il que j'ai traîné Yasmine dans ce bar, le cul sur la moleskine, avec une menthe à l'eau. Il m'aura fait bander le cul de Yasmine, pourtant ! Mais là : aucun tressaillement, pas le moindre soubresaut. Comment expliquer ? Je vous assure que je suis un type qui aime profondément sa femme. Je l'aime d'amour. Je ne l'ai jamais trompée ou alors, il y a si longtemps, c'est oublié.

 

Vu la chaleur et les circonstances spécifiques à cette soirée, Yasmine ne porte rien sous sa robe. Ses gros seins blancs fléchis ballonnent à fleur de cotonnade. Beaucoup d'hommes aiment les femmes mûres. Il n'y en a pas que pour l'arrogante jeunesse aux nichons durs, vous pouvez me croire. Yasmine, elle vous appâte la terre entière avec ses lolos quinquagénaires. Regardez le manège du bonhomme attablé à côté. Il est bouche bée : plus près, il baverait dans le décolleté. Yasmine ferre sa proie : elle sourit à l'inconnu puis se penche outrageusement pour saisir des lèvres la paille de la menthe à l'eau. Ses mamelles rondes s'exposent maternellement. Elle est terriblement provocante.

 

Le mec a la trentaine. C'est un Haïtien très foncé de peau, sec, musclé, nerveux. Ma présence le gêne mais il se pousse à parler. Il nous sert des banalités : la chaleur étouffante, l'humidité. Il transpire le désir physique. Sa drague est maladroite. Familière de la situation, Yasmine surjoue. Elle chuchote au jeune qu'elle est à poil sous sa robe et malgré ça, qu'elle est toute mouillée. Puis, décidée : "Sortons, j'ai envie de faire l'amour". Le scénario se déroule comme prévu. On se dirige vers la voiture que j'ai laissée près du fleuve. Dans quelques minutes, Yasmine fera "ça" sur la banquette arrière, avec ce nouvel inconnu. Le type ne dit rien : il sait parfaitement ce qu'on attend de lui. Je l'imagine déjà, noir vibrion inoculant de son plaisir contagieux les intimités laiteuses de ma chère épouse...

 

Renâclante au début, Yasmine apprécie maintenant ce genre de sortie sexuelle. Elle a pris goût à cette façon de faire "ça" sans manières, avec n'importe qui. En principe, elle se met sur le dos le long de la banquette arrière. Moi, je me place à l'avant de la voiture. Le plus souvent, les signes que j'attends d'elle ne tardent pas. Elle soupire, halète, gémit. Dans la pénombre, j'entends clairement ses chairs claquées en cadence. Le rythme s'accélère, son râle aussi. Avec ces gigolos, c'est incroyable comme elle jouit vite ! Elle criaille comme une adolescente qu'on dépucelle. Si son partenaire s'est retenu, elle se retourne pour le finir par derrière. Instable, cramponné à ses hanches, le bonhomme s'engloutit dans les fesses. Yasmine en reste au bord de l'évanouissement.

 

Le scénario se déroule comme prévu, sauf que Yasmine ne s'arrête pas à la voiture. Elle se déshabille au bord du fleuve. On dirait une statue posée sur la rive. Les cuisses reproduisent les rondeurs du bras. Le port de la taille est identique à celui du cou. Le derrière sphérique achève la courbe des seins. Les poils du pubis sont pareils aux cheveux blonds dont les mèches folles me rendirent aussi fou. Soudain, je m'aperçois que l'homme est tout nu. Je suis pris d'un sentiment d'impatience. Pourquoi Yasmine et ce foutu Haïtien ne le font-ils pas ? Ils prennent leur temps, comme s'ils avaient "autre chose" en tête. Normalement, Yasmine doit faire l'amour dans la voiture avec l'inconnu à la sortie du bar. Ca s'est toujours passé comme ça. Alors, parfait, qu'elle le fasse !

 

La scène s'anime enfin. Yasmine se penche pour ramasser sa robe. Sans doute va-t-elle rallier la voiture ? L'homme lui donne alors une claque le cul, du dernier vulgaire. Indigné, j'espère un moment que Yasmine va rabrouer ce malappris. Au contraire, elle fuit sur la berge, d'un rire sonore. Tout continue de la manière la plus triviale qui soit. L'homme poursuit ma femme. Ils s'enfoncent dans le fleuve, là-bas, vers les palétuviers. L'homme saisit Yasmine et s'affaisse avec elle, dans un grand bruit d'éclaboussure. Qu'imaginer, sinon le spectacle banal d'un couple qui s'aime au fil de l'eau ?

 

Une question m'obsède : Yasmine m'a-t-elle déjà trompé ? Je veux dire, avant ce soir ? Qu'a-t-il de particulier, cet Haïtien ? Une grosse queue, de grosses couilles ? La belle affaire ! La vie est obscène. Les femmes savent-elles reconnaître l'amour, celui du cœur ? Je m'éloigne du fleuve. J'aime traîner dans ce quartier portuaire du Suriname. C'est un quartier où les hommes traînent. Les hommes espèrent toujours la bonne occase. Ils furètent, épient, reniflent. Ce soir, il y a de quoi faire : créoles, chinoises, brésiliennes...

 

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